Malgré la pugnacité et la détermination d’une opposition divisée, la région a décidé de prolonger le bail du vieux lion à Etoudi pour 7 ans. Pourtant, il y a urgence à renouveler et de rajeunir la classe politique.
C’est à l’expérience que la bataille capitale de l’ExtrêmeNord devait se jouer », constatait un vieil administrateur civil dès l’obtention des premières tendances dans les six départements de la région fille ainée du renouveau. Le slogan accompagnant l’effigie plus grande que nature du président-candidat Paul Biya sonne aujourd’hui comme une préfiguration du raz-de-marée qui s’est produit le 7 octobre au crépuscule.
« Dans tous les bureaux de vote de Maroua, le candidat Paul Biya est arrivé en tête, talonné parfois de près par le tireur de pénalty, Maurice Kamto », constate un observateur de la commission nationale des droits de l’Homme à Domayo. Les chiffres issus des urnes sont éloquents même s’ils frisent la caricature de la tradition électorale soviétique. « Pour le candidat Biya, le Logone et Chari culmine à plus de 95%, le Mayo Kani dépasse les 80% avec un pic de plus 91% à Mindif. Le Mayo Tsanaga frôle les 80% tandis que le Diamaré dépasse les 75% », confirment plusieurs sources concordantes tant d’Elécam que d’autres observateurs ayant couvert le scrutin.
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Le seul regret est le faible taux de participation, relève un curieux, ayant assisté au dépouillement. En effet, c’est environ 700 mille votants qui se sont manifestés sur les plus 1 million 300 mille, admet un membre d’Elecam de l’Extrême-Nord. Nous avons fait plus que ce à quoi nous nous attendions, confie un parlementaire Rdpc. « Avec les nouvelles qui nous viennent du Sud, c’est encore nous qui allons maintenir le président au pouvoir », souffle triomphalement un conseiller municipal de la commune de Maroua 1er à un de ses amis du Mrc de Maurice Kamto, visiblement sous le choc après l’obtention des tendances. Les groupes villageois, les associations de jeunes ont fait un porte à porte payant. C’est ce que soutient Maurice, président de sous-section Rdpc à Tokombéré.
Une machine Rdpciste rom- pue à l’exercice électorale
Entre petits billets de banque, savons distribués, bourses scolaires allouées en temps opportun, intimidations des puissants chefs, accompagnement passif mais non moins efficace de l’autorité administrative, la machine du Rdpc a longtemps pris la mesure des choses dans l’Extrême-Nord. « A Guidiguis, le giga meeting du jeune et brillant Mopa a dissuadé tous les hésitants et rallié certains sympathisants du Mrc à la cause du Rdpc », reconnait un étudiant de la faculté des mines de Kaélé.
« Avec des cahiers et autres fournitures scolaires, des bourses de 50 000 F.Cfa aux jeunes ayant eu le bac, les parents ont compris le sens de leurs intérêts immédiats », justifie un parent. Entre ce qu’on nous promet et ce qu’on nous donne directement, nous avons vite fait la différence », se contente un autre parent dont le fils a obtenu la bourse. Pour le reste, certains irréductibles ont voté l’opposition à Biya. « Nous en avons marre d’une élite qui mange seule. Nous ne la voulons plus », s’indigne un jeune de Tokombéré-Mairie où le Mrc a pris le dessus sur le Rdpc.
L’échec de l’opposition : une désillusion imprévue et amère à avaler
« Avec la pauvreté ambiante dans l’Extrême-Nord, les villes en lambeaux, la distance de plus en plus grande entre le président et la base, nous avions pensé que les populations auraient eu un sursaut d’orgueil », reconnait, déçu, un militant du Mrc à Maroua. Pourtant, le problème dépasse le seul jugement des populations de l’ExtrêmeNord.
« A l’observation des résultats, Paul Biya est toujours suivi de Kamto et de Cabral. Si le jeune avait compris que la politique moderne n’est pas une question d’improvisation, on aurait au moins fait score plus qu’honorable et mettre le Rdpc en déroute dans le sud », commente un jeune de Domayo ayant soutenu Cabral. « La différence entre ses voix et celles du Pr Kamto montre qu’il n’aurait pas dû compter sur une popularité de façade construite dans les médias et les réseaux sociaux », complète un étudiant de polytechnique qui croyait que l’heure du changement avait sonné.
Soupçons de fraude…tensions à l’horizon mais victoire de Paul Biya
Comme on pouvait s’y attendre, la contestation devait très vite arriver. Cà et là, on a observé, surtout dans le Diamaré, les achats des votes. « Je ne voulais pas voter. Mais, vu ce qu’on m’a proposé, j’ai dû réviser ma position », confesse un jeune au foyer des jeunes de Domayo. A la vérité, vers 14h, les centres visités étaient très peu courus. D’autres, comme Habiba à Tokombéré, reconnait n’avoir pas eu d’autre choix que de voter le Rdpc.
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Enfin, certains ont été volontairement laissés dans leur ignorance. « J’ai mis tous les bulletins dans l’enveloppe et j’ai mis dans la boite. Quand j’ai retrouvé les autres frères dehors je leur ai dit mon choix et ils m’ont dit que j’avais pas choisi », déplore avec tristesse le vieux Mamadou. Pourtant, même si fraude il y a eu, les observations ont montré que seul le Rdpc avait des représentants partout pour surveiller le vote et, le cas échéant, faire ce qu’on leur reproche. « En se présentant à plusieurs, l’opposition a brisé ses ailes elle-même dans l’Extrême-Nord. Elle ne pouvait pas être capable de protéger ses voix où elle ne se trouvait pas.
C’est la force de l’inexpérience et, surtout, la vision que chacun avait d’être à lui tout seul le sauveur du Cameroun », analyse un enseignant de l’université de Maroua. « Les dépouillements publics ont été exécutés en général dans les règles de l’art, et il est difficile de ne pas être d’accord avec les résultats », tranche un observateur du Programme des Nations unies pour développement (Pnud) à Maroua. Pour l’instant, l’Extrême-Nord continue de porter Biya hors de l’eau, en attendant ce que dira le reste du Cameroun.